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Par Zoubir YAHIAOUI le 29 Juillet 2017 à 21:11
Bien cordialement, mes cher(e)s étudiant(e)s Zoubir Yahiaoui
Les fonctions de Vladimir PROPP
Le récit est un enchaînement logique d’actions entrecoupées de description qui peuvent être regroupées en séquences narratives. L’action (le faire) est commune à tous les récits, les narratologues l’appellent « fonction » unités narratives minimales que l’on retrouve d’un conte à l’autre. Pour folkloriste russe Vladimir PROPP, la fonction est l’action d’un personnage définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue pour les contes merveilleux, il en a distingué 31. Ces fonctions peuvent ne pas apparaître toutes dans un conte, chaque conte réalise certaines d’entre elles, mais elles s’enchaînent dans un ordre identique qui ne doit pas être perturbé par le conteur, libre par contre dans le choix des fonctions ou dans leur omission. Elles se regroupent par couples (Interdiction/Transgression, Combat/Victoire), ou sont isolées (Mariage par exemple).
Liste des 31 fonctions de Propp
0. Situation initiale : Ouverture, présentation des personnages.
1. Éloignement : Un des membres de la famille part ou meurt.
2. Interdiction : Le héros reçoit une interdiction.
3. Transgression : L'interdiction est transgressée.
4. Interrogation : L’agresseur essaie d’obtenir des renseignements.
5. Information : L’agresseur reçoit des informations sur sa victime.
6. Tromperie : L’agresseur tente de tromper sa victime pour s’emparer d’elle ou de ses biens.
7. Complicité : La victime se laisse duper et aide son ennemi malgré elle.
8. Méfait : L’agresseur nuit à l’un des membres de la famille/ Le manque : Les héros ou l’un des membres de sa famille a envie de posséder quelque chose.
9. Médiation ou Transition : Le méfait ou le manque est connu, le héros part (ou y envoyé) pour y remédier.
10. Début de l’action contraire : Le héros accepte ou décide d’agir.
11. Départ : Le héros quitte sa maison.
12. Première fonction du donateur : Le héros subit épreuve, questionnement ou attaque qui le préparent à la réception d’un objet ou d’un auxiliaire magique.
13. Réaction du héros : Le héros réagit aux actions du futur donateur.
14. Réception de l'objet magique : Le héros reçoit l’objet magique.
15. Déplacement : Le héros est transporté ou conduit près du lieu où se trouve l’objet de sa quête.
16. Combat : Le héros et son agresseur s’affrontent.
17. Marque : Le héros reçoit une marque (blessure, baiser ou objet…).
18. Victoire : L’agresseur est vaincu.
19. Réparation : Le méfait initial est réparé ou le manque comblé.
20. Retour : Le héros revient.
21. Poursuite : Le héros est poursuivi et / ou agressé.
22. Secours : Le héros est secouru ou arrive à s’enfuir.
23. Arrivée incognito : Le héros arrive incognito chez lui.
24. Prétentions mensongères : Un faut héros fait valoir des prétentions mensongères.
25. Tâche difficile : On propose au héros une tache difficile.
26. Tache accomplie : L héros réussit.
27. Reconnaissance : Le héros est reconnu comme tel, souvent grâce à sa marque.
28. Découverte : Le faux héros ou l’agresseur est démasqué.
29. Transfiguration : Le héros reçoit une nouvelle apparence.
30. Punition : Le faux héros ou le l’agresseur est puni.
31. Mariage : Le héros se marie et monte sur le trône.
Le merle blanc
[Un roi assez vieux avait trois fils. Les deux aînés étaient méchants, emportés, brutaux même. Quant au cadet, il était doux mais assez simple d’esprit.] Séquence 1
[Un certain jour, le roi les assembla tous trois et leur dit :
- On m’a assuré qu’à cinquante lieues d’ici, il y a une bête merveilleuse qu’on nomme le merle blanc. Cette bête a le pouvoir de rajeunir celui qui peut la posséder. Me voilà avancé en âge : si donc quelqu’un pouvait m’apporter cette bête merveilleuse, je suis disposé à le récompenser par ma couronne.] Séquence 2
[L’aîné prenant alors la parole, demanda à son père de le laisser aller à la recherche du merle blanc et déclara qu’il ne reviendrait point sans l’avoir trouvé.
Le roi lui fit donner des armes, un bon cheval et de l’argent, le laissa partir.
Après avoir marché bien longtemps, il arriva dans une grande et belle ville où régnait alors un roi débonnaire et ami du plaisir. Le prince, bien accueilli par les habitants qui le voyaient porteur d’un beau sac rempli d’or, ne tarda pas à être introduit au milieu de la cour dissipée du roi régnant. De sorte que, un an après son départ, il n’était pas encore de retour.] Séquence 3
[Voyant cela, le second fils du roi partit à la recherche du fameux merle blanc, emportant comme son frère un beau cheval, des armes et de l’or. Il lui arriva les mêmes aventures qu’à son frère qu’il rencontra
dépouillé de tout dans la ville des plaisirs. Malgré cet exemple, il y mena une vie dissipée, oubliant complètement et son père et la couronne promise à celui qui pourrait ramener le grand merle blanc. De sorte qu’un an après son départ, le roi n’en avait encore reçu aucune nouvelle.] Séquence 4
[Alors le cadet dit à son père :
- Sire, si vous le permettez, j’irai, moi aussi, à la recherche de la bête merveilleuse, et, dieu aidant, j’espère vous revenir avant trois mois. Faites-moi donner un peu d’argent. Je n’ai pas besoin d’armes et de cheval pour faire ce voyage. C’est à ma bonne étoile que je remets le soin de mon succès.] Séquence 5
[Après quelques difficultés, le roi laissa partir son dernier fils.
Cinq jours après avoir quitté le palais de son père, le prince traversait une forêt lorsqu’il entendit crier une bête. Courir dans cette direction et arriver auprès d’un renard pris au piège fut pour lui l’affaire d’un instant ému de pitié, le jeune prince débarrassa le renard qui le remercia en lui disant :
- Ecoute, tu m’as sauvé la vie. Pour te récompenser de ton bon cœur, je me mets à ta disposition, quand tu auras besoin de mon assistance, tu diras : « Renard, renard, passe monts et vallées, j’ai besoin de ton secours». Je viendrai, et il n’est point de chose qui puisse me résister. Je sais que tu vas t’emparer du merle blanc. Il se trouve à deux lieues d’ici à cent pas de la grosse tour de la ville. Il est dans une grotte gardée par deux dragons. Pour endormir ces bêtes, tu prendras seize pains de quatre livres et deux oies. Tu mettras tremper les pains dans l’eau-de-vie et tu iras près de la grotte jeter ces provisions aux dragons. Une heure après, le merle blanc sera en ta possession. Cours, et surtout fis diligence. Un dernier conseil, ne rend service à personne avant que je t’ai vu. Adieu !] Séquence 6
[Ayant ainsi parlé, le renard disparut dans la profondeur des bois.
Resté seul, le prince continua sa route et arriva bientôt aux portes de la ville où sa mise simple ne le fît pas remarquer. Ayant entendu le bruit de la trompette dans une rue voisine, il s’y rendit et vit nombreuse populace entourant les officiers du roi qui annonçaient l’exécution pour le lendemain matin de deux princes étrangers coupables de haute trahison.
Le jeune homme ne douta pas que ce ne fusent ses deux frères. Il alla chercher les pains, les oies et l’eau-de-vie qui lui étaient nécessaires, et partit pour rejoindre la grosse tour de la ville. Il y arriva, compta cent pas en allant droit devant lui et trouva effectivement la grotte du merle blanc. Une grande odeur de soufre le suffoqua, mais il s’approcha et jeta aux dragons les provisions qu’il avait apportées.] Séquence 7
[Une heure après le fameux merle en sa possession. C’était un oiseau gigantesque, dont les ailes brillaient comme le soleil.
- Que veux-tu de moi ? demanda l’oiseau ; parle ! Je suis à tes ordres.
- Je voudrais d’abord que tu me fasses délivrer mes deux frères qui sont prisonniers du roi.
- Soit ! Monte sur mon cou et je t’y conduirai.] Séquence 8
[Ce disant, le merle blanc se rapetissa tellement qu’il ne parut plus gros qu’un coq. Le prince enfourcha ce nouveau coursier et se trouva bientôt au milieu de ses frères qu’il enleva au nez de leurs gardiens ébahis.
Malgré le bon service que venait de leur rendre le cadet, les deux princes ne songèrent, aussitôt libres, qu’à s’emparer de la bête merveilleuse.
- As-tu vu, dit l’un, la belle carrière d’or qui se trouve là-bas ?
- Non, je n’ai pas songé à la regarder en passant.
- Alors, venez la voir.
Et les trois frères de s’approcher du gouffre. Pendant que le cadet se penchait pour mieux voir, il fut poussé par ses deux frères et tomba au fond de la mine.] Séquence 9
[Lorsqu’il revint à lui, il songea au renard qu’il avait sauvé et se mit à crier :
- Renard, passe monts et vallées, j’ai besoin de ton secours !
Ces mots étaient à peine prononcés que déjà le renard était auprès de lui, et en léchant les plaies que lui avait faites sa chute au fond du souterrain, le guérit complètement.
- Maintenant que te voilà guéri, lui dit le renard, il te reste à sortir du trou. A cet effet, tu vas te tenir à ma queue et je te remonterai. Ne t’avise pas de lâcher ma queue, car ce serait à recommencer. Tiens-toi bien, je Monte !
Et le renard monta en l’air, traînant après lui le prince cramponné à sa queue. Le renard allait atteindre le bord du gouffre lorsque le prince, fatigué, lâcha le renard et retomba tout meurtri, au fond du gouffre.
Le renard revient trouver le jeune prince, le ranima et lui fit recommencer l’ascension du souterrain.
Cette fois, le prince arriva en terre ferme.
Après avoir remercié le renard des services qu’il lui avait rendus, le jeune prince s’en alla rejoindre le château de son père.] Séquence 10
[Avant d’y arriver, il se vêtit d’un habit de garçon de ferme, teignit le visage et vint demander
au roi son père, qui ne le reconnut pas sous ses habits d’emprunt, de lui donner la garde du merle blanc que ses frères avaient rapporté comme leur conquête. Il fut accepté.
Il apprit alors que le merle blanc avait déclaré au roi qu’il ne le rajeunirait pas si on ne lui amenait pas celui qui l’avait conquis sur les deux dragons. Les deux princes avaient dit à leur père que c’était eux-mêmes qui avaient pris la bête, et que c’était pour se venger que le merle blanc disait que ce n’était pas eux qui l’avaient pris.] Séquence 11
[Dès que le jeune prince fut entré dans la salle où se trouvait le merle blanc, il vit l’oiseau s’abaisser et lui commander de monter sur son cou, ce qu’il fit. Une seconde après, tous deux étaient dans la salle du roi à qui ils racontèrent les supercheries des deux princes.
Outré de colère, le roi fit dresser deux bûchers dans la cour du palais, y fit lier ses deux fils aînés et les fit brûler vifs. Puis il prit la couronne et la donna au jeune prince.
Un instant après, le vieux roi était redevenu jeune, grâce au fameux merle blanc.] Séquence 12
Conte Français
Questions
1. Séquentialisez ce récit selon l’analyse de Bremond.
2. Dégagez ses actants selon le schéma de Greimas.
3. Dégagez les fonctions y accomplies selon l’analyse de Propp.
4. Quelles impressions avez-vous de ce récit ?
Réponse 1
A retenir, mes cher (e)s étudiant(e)s :
La séquence est un ensemble cohérent, c’est-à-dire qu’elle présente une ouverture sans antécédent direct et une fermeture sans conséquence directe Formant ainsi des unités d’analyse intermédiaires, plus réduites que les étapes (étapes du schéma quinaire), plus étendues que les (les fonctions). On considère qu’il y a séquence dès que l’on peut isoler une unité de temps, lieu ou d’action, voire de personnages.
D’après l’analyse de Bremond, nous pouvons tires du texte 12 séquences :
Séquence 1 : [Un roi…………simple d’esprit] présentation des personnages : le vieux roi et ses trois fils.
Séquence 2 : [Un certain jour…………par ma couronne] réunion du roi avec ces trois fils.
séquence 3 : [L’aîné. …………de retour] l’arrivée de l’aîné dans la grande belle ville.
Séquence 4 : [Voyant cela…………nouvelle] l’arrivée du second fils dans la ville des plaisir où il affronta les mêmes aventures.
Séquence 5 : [Alors. …………succès] le cadet demande la permission pour aller à la recherche de la bête merveilleuse.
Séquence 6 : [Après. …………Adieu !] après cinq jours, le cadet traversa la forêt et rencontra le renard.
Séquence 7 : [Ayant. …………apportées] l’arrivée du cadet aux portes de la ville où les officiers annonçaient l’exécution de ses deux frères, ainsi la découverte de la grotte.
séquence 8 : [Une heure après. …………conduirai] la rencontre du merle blanc.
Séquence 9 : [Ce disant …………la mine] le prince est agressé par ses frères malgré son service rendu à eux.
Séquence 10 : [Ces mots …………son père] le renard sauve le prince.
Séquence 11 : [Avant …………pris] l’entrée déguisement du cadet dans le château et la découverte de la trahison de ses deux frères.
Séquence 12 : [Dès que …………au fameux merle blanc] punition des menteurs, le roi retrouve la jeunesse, et le cadet récompensé.
Réponse 2
A retenir, mes chers étudiants :
Pour découvrir comment se répartissent les différents rôles actanciels d’un récit, on lui appliquera les questions suivantes :
1. Qui (destinateur) manque de quoi (objet) ?
2. Qui (destinataire) obtient quoi (objet) ?
3. Qui (héros « sujet ») moyennant l’engagement dans une quête permet le passage du manque à l’obtention ?
4. Qui (adjuvant) favorise la quête ?
5. Qui (opposant) entrave la quête ?
En étudiant le conte du merle blanc, il est possible de dégager la matrice suivante
Réponse 3
On peut dégager quelques fonctions selon l’analyse de Propp.Exemples :
0 Situation initiale : c’est une ouverture, présentation des personnages (le roi et ses trois fils)
1 Éloignement : les trois fils du roi sont partis.2 Interdiction : le père interdit au cadet d'aller à recherche du merle blanc.
3 Transgression de l'interdit : le fils cadet vas transgresser la volonté du père.
5 Tromperie : il est agressé par ses frères.
14 Le don : le héros est en possession d'un pouvoir magique ( ici le renard).
17 Marque : le héros « le cadet » a été blessé.
20 Retour : le prince est revenu au château.
22 Secours : le héros « le cadet » est secouru par le renard.
23 Arrivée incognito : le cadet arrive au château sans être connu.
26 Tache accomplie : le cadet réussit d’avoir le merle blanc.
30 Punition : les deux frères « faux héros » sont punis.
31 Mariage : ici l'accès du fils cadet au trône.
Important : VOUS POUVEZ DÉGAGER PLUSIEURS FONCTIONS. EN JUSTIFIANT PAR DES EXEMPLES TIRES DU TEXTES.
Annexe
Schéma narratif selon Greimas :
Situation initiale
La vieillesse du roi qui vit avec ses trois fils.
Élément déclencheur
Venir en aide au roi afin qu'il retrouve sa jeunesse.
Péripéties
Péripétie 1
Le départ du premier fils.
Péripétie 2
Le départ du deuxième fils.
Péripétie 3
Le départ du troisième fils.
Péripétie 4
Le cadet prend possession du merle blanc.
Dénouement
Le cadet est reconnu par le merle blanc et les menteurs sont démasqués.
Situation finale
Le roi retrouve la jeunesse et le cadet récompensé.
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Par Zoubir YAHIAOUI le 18 Septembre 2015 à 20:11
Cours réalisé par Zoubir YAHIAOUI
L’énonciation c’est la production linguistique d’un énoncé par un individu donné dans une situation de communication précise. L’énonciation s’oppose ainsi à l’énoncé, car celui-ci est le résultat de l’énonciation.
LES CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉNONCIATION
En faisant l’analyse d’un énoncé, on peut faire l’abstraction des conditions de sa production. Cependant l’étude de l’énonciation implique la prise en considération de certains facteurs qui relèvent de la situation de communication parmi lesquels il convient de citer :
1) Les acteurs de la communication, c’est-à-dire le locuteur et le destinataire ;2) Le cadre spatio-temporel de l’énonciation ;
3) Plus généralement, tout élément dont la présence dans la situation de communication est considérée comme pertinent dans le processus d’énonciation.
Les indices de l’énonciation :
Les indices personnels : ce sont des mots (pronoms personnels, possessifs, et adjectifs possessifs).
Ex. : Je t’ai envoyé mon adresse par SMS.
Les indices spatio-temporels : Ce sont des adverbes de lieu (ici, là-bas, tout près…) et de temps (aujourd’hui, demain, maintenant, bientôt…) et les temps des verbes.
Les indices de jugement : ce sont des mots qui traduisent la subjectivité du locuteur. Les indices de jugement ou les modalisateurs sont :
Des verbes : (penser, affirmer, croire, douter…) ;
Des adjectifs employés avec des tournures impersonnelles : (il est certain, il est probable, il est possible…).
Des adverbes : (probablement, sans doute, certainement, incontestablement…).
Énoncé coupé de la situation d'énonciation :
Un énoncé coupé de la situation d'énonciation : ne comporte aucun indice ou embrayeur qui fait référence à la situation de communication :
(1) Lundi 15 septembre 2015, devant l’université de Constantine 1, Salima dit à Ahmed : « Les Allemands ont envahit la France en 1939 ».
L'énoncé «Les Allemands ont envahit la France en 1939 » est produit par la situation d'énonciation suivante.
- L'énonciateur est « Salima».
- Le destinataire est « Ahmed».
- Le lieu de l'énonciation est « devant l’université de Constantine 1 ».
- Le temps de l'énonciation est le «Lundi 15 septembre 2015 ».
Cet énoncé ne comportant aucun embrayeur ou indice permettant de mettre celui-ci en relation avec sa propre situation d'énonciation, cet énoncé doit donc être analysé comme « coupé » de la situation de communication. C’est un récit.
Énoncé ancré dans la situation d'énonciation :
(2) Lundi 15 septembre 2015, devant l’université de Constantine 1, Salima a dit à Ahmed : « Demain, je t'attendrai ici ». Cet énoncé contient des indices qui référent à la situation d’énonciation :
- L'adverbe « demain » est un indice temporel, signifiant précisément le « mardi 16 septembre 2015 ».
- Le pronom personnel « je » est un embrayeur de la première personne désignant l'énonciateur, soit « Salima ».
- Le verbe « attendrai » — plus précisément, sa terminaison (« ai » : futur de l'indicatif, première personne du singulier) — est également un embrayeur de la première personne désignant l'énonciateur, soit « Salima ».
- Le pronom personnel « t' » est un embrayeur de la deuxième personne renvoyant au destinataire, soit « Ahmed ».
- Enfin, l'adverbe « ici » est un embrayeur spatial, signifiant précisément « université de Constantine 1».
Ce troisième énoncé est donc « ancré dans la situation d'énonciation ». Cet énoncé est un discours.
Voici un tableau de synthèse :
Énoncé Exemples Indices personnels Indicateurs de temps et de lieu Temps des verbes Modalisateurs Énoncé ancré dans la situation d’énonciation Lettre,
Récit à la première personne,
Journal intime,
Dialogue,
AutobiographiePronoms personnels et possessifs de la première et 2ème personne (Je, me, moi, tu, vous, le mien, le vôtre…)
-Déterminant possessifs de la 1ère et 2èmepersonne (mon, vos…) = déictiques*(près d’) ici, dans cette pièce, dehors, aujourd’hui,
Hier, demain, dans un anPrésent d’énonciation, passé composé, futur, imparfait… Adverbes : sans doute, certainement, peut-être, absolument
- Verbes : croire, douter, ignorer, pouvoir…
- Adjectifs péjoratifs ou mélioratifsÉnoncé coupé de la situation d’énonciation Récit (à la 3ème personne surtout Pronoms personnels de la 3ème personne :
Elle(s), il(s), eux, leur..(non loin de) là, dans sa chambre, à l’extérieur, ce jour-là
La veille, le lendemain, un an après.Passé simple, imparfait
Présent de narration ou de vérité générale.Source : http://www2b.ac-lille.fr/weblettres/productions/Pompei/enonciation.htm. (Consulté le 18/09/2015). Cliquez sur ce lien pour bien visualiser le tableau.
Exercice : dis si l’énoncé suivant est ancré ou non dans la situation de communication :
Lundi 19 janvier 2015, à la bibliothèque centrale de l’université, Loubna a dit à Nacim : « Qui n’avance pas recule. »
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Par Zoubir YAHIAOUI le 8 Mai 2015 à 23:22
Cours réaliser par Zoubir YAHIAOUI
La dissertation est un exercice scolaire écrit portant sur un sujet littéraire, philosophique, économique...Elle vise à tester la capacité intellectuelle, la capacité d'analyse ainsi que le degré de maîtrise de la langue chez l'étudiant. La dissertation est régie par certaines règles. L'étudiant est appelé à les maîtriser car souvent il fera face à des diverses dissertations pendant son cursus universitaire.
Le squelette de la dissertation :
L'introduction :
L'introduction se divise en trois étapes :
- Il donne un aperçu général sur le thème à traiter et pourquoi il a besoin d'être traité.
- Après cela, on passe au deuxième paragraphe, où l'on pose la problématique.
- Enfin, dans le troisième paragraphe, on annonce le plan du texte avec l'aide des connecteurs (d'abord, ensuite, enfin).
L'introduction doit être bien soignée car c'est le premier contact avec le lecteur.
Le développement :
Dans le développement, on trouve l'analyse du sujet accompagné par un exemple ou une citation qui forment un paragraphe. Celui-ci développe une seule idée. On doit utiliser les connecteurs pour montrer le lien existant entre les paragraphes et pour montrer qu'on passe de l'un vers l'autre. Les connecteurs indiquent la progression logique du texte et évitent la digression. Le développement doit suivre le plan annoncé dans l'introduction. C'est le sujet de la dissertation qui nous impose le nombre de paragraphe. Une dissertation comportant deux idées a besoin de deux paragraphes.
La conclusion :
C'est une synthèse, du travail effectué, accompagnée du point de vue de l'auteur sur le sujet traité. Quand le sujet n'est pas suffisamment traité, on le termine généralement par une question ; c'est ce qu'on appelle une conclusion ouverte.
Exemple : « Pour communiquer, l'homme utilise une communication linguistique et non linguistique. Il existe une complémentarité entre les deux types de communication ».
Commenter ce passage :
Réponse :
La communication est omniprésente dans la vie. On n'imagine pas une société sans communication.
Quels sont les types de communication dont à besoin l'homme pour s'adresser aux autres ? y-a-t-il une complémentarité ou non entre ces types de communication ?
Après avoir analysé la communication linguistique, je passe à l'analyse de la communication non linguistique, tout en montrant le lien existant entre les deux.
Pour s'adresser aux autres l'homme utilise une communication linguistique, c'est-à-dire des signes linguistiques (combinaison de signifiants et de signifiés). Cette communication peut être écrite ou orale. Pour le linguiste français André Martinet, ce type de communication a une caractéristique : la double articulation. Celle-ci suppose que le langage humain s'articule d'abord sur des unités dépourvues de sens (les phonèmes qui sont les petites unités minimales de langage) et sur des unités pourvues de sens (les morphèmes ou monèmes). A partir d'un nombre limité de phonèmes on peut créer l'infini de morphèmes. Pour Martinet, cette double articulation permet de distinguer entre la communication linguistique et non linguistique.
En parallèle à la communication linguistique, il existe une communication non linguistique. L'homme peut à l'aide des gestes, des mimiques, des tenues vestimentaires communiqué avec les autres. Cette communication non-linguistique peut être autonome et remplacée la communication linguistique ou la renforcée. Un index brandit peut accompagner une menace verbale. Pour l'école américaine de Palo Alto « On ne peut pas ne pas communiquer » c'est la communication linguistique s'arrête ; la communication non linguistique prend le relais.
Dans la vie, l'homme est amené en s'adressant aux autres à utiliser les deux types de communication. Je crois qu'il y a une forte complémentarité entres les deux types de communication. L'une ne peur s'en passer de l'autre.
Exercice : « Le réalisme en littérature est une révolte contre le romantisme. Celui-ci est un échappatoire, une déconnexion de la réalité ».
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Par Zoubir YAHIAOUI le 6 Mai 2015 à 18:43
Cours réalisé par Zoubir YAHIAOUI
Un compte-rendu est une forme de rapport de stage suite à la visite d'un musée, d'une ville, ou d'une usine... le compte-rendu a une fonction didactique dans la mesure ou il donne des informations précises et objective au destinataire.
Le squelette d'un compte-rendu :
L'introduction :
On trouve dans l'introduction le thème à traiter et la motivation qui nous a poussés à traiter ce sujet ainsi que le plan de mon texte (les étapes).
Le développement :
Dans cette étape, je vais rapporter les choses que j'ai vues. Ces éléments sont présentés sous forme de paragraphes accompagnés de titres et de sous-titres. L'emploie de connecteurs logiques est recommandés pour montrer l'enchaînement logiques de vos paragraphes. Par exemple si j'avais visité galeries des beaux-arts, les informations rapportées seront présentées sous la forme suivante :
Visite d'une galerie des beaux-arts.
- Un aperçu sur l'histoire et l'architecture de cette galerie ;
- Organisation administrative et le personnel de cette galerie ;
- Un commentaire sur le public ;
- Un commentaire sur les différents tableaux existant dans cette galerie ;
- La peinture classique ;
- La peinture romantique ;
- La peinture réaliste ;
- La peinture surréaliste :
- La peinture cubiste.
Si le compte-rendu prend la forme d'une enquête, par exemple auprès des consommateurs, les résultats peuvent êtres présentés dans des tableaux.
- Une enquête pour savoir si tel programme de télévision est apprécié par le public ou
non ;
Le programme (un téléfilm) Film apprécié par Film non apprécié par Le public 85 % 15 % NB : S'il y a des mots techniques dans votre compte-rendu, il faut les expliquer au large public.
La conclusion :
On trouve dans la conclusion les résultats tirés, par exemple de votre visite à une usine, sans oublier de mentionner si votre visite était bénéfique ou non.
Le temps du compte-rendu :
Dans un compte-rendu, on emploie le présent d'énonciation (moment ou l'on parle) et le passé composé de l'indicatif.
Exemple : compte-rendu de la visite dans l'entreprise.
Mardi 8 décembre, nous avons visité le siège de l'entreprise Avenir Telecom où nous avons
été accueillis par Madame Germani la Directrice des Ressources Humaines (DRH) de
l'entreprise. Avenir Telecom est une entreprise commerciale qui vend des appareils
multimédia, des accessoires et des forfaits téléphoniques. Elle possède environ 160
magasins dans toute la France et commercialise sous sa propre marque « Internity ».
« Comment vendez-vous vos produits ? »
« Nous avons deux canaux de distribution : La vente par canal direct (nous vendons nos
produits dans nos magasins « Internity ») et la vente par canal indirect (nous vendons nos
produits à des magasins comme la Fnac, amazon.com...) qui vendent à leur tour ces
produits. »
Le siège de l'entreprise se situe à Marseille et gère :
-le transfert
-le marketing
-les achats
-l'informatique
-la finance
-la comptabilité
-les ressources humaines
-les ventes.
L'entreprise possède de nombreux partenaires comme Energizer pour la création de
chargeurs de portables ou Beewi.
L'entreprise possède deux marques d'accessoires téléphoniques : Oxo platinum et Umberto
Bellini qui est une marque de luxe visant la clientèle Russe.
Avenir Telecom ne ressent pas trop la crise au niveau de la vente mais essaie de limiter le
coût de ses achats. La crise se ressent par contre au niveau des recrutements puisqu'il y a
plus de demandes. Avenir Telecom peut donc faire preuve de plus d'exigence.
Son entrepôt se situe à Paris.
L'entreprise emploie 150 personnes à Marseille et a été créée en 1989.
Avenir Telecom fait construire la plupart de ses produits en Chine mais fait construire les
produits de luxe en France pour une meilleure qualité et pour éviter les retards.
L'entreprise a été très accueillante. Pour cette première visite très plaisante, nous avons beaucoup
appris sur la vie de l' entreprise et sur le métier de Directeur des Ressources Humaines. Nous
remercions Mme Germani et son assistante pour leur accueil et leur générosité.
Compte rendu de la visite dans l'entreprise
www.clg-garlaban.ac-aix-marseille.fr/.../hoareau_Compte_rendu_teleco. (Consulté le 01/05/2014)
Exercice : vous avez certainement visité plusieurs villes en Algérie ou à l'étranger. Faites-nous un bref compte-rendu de cette visite.
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Par Zoubir YAHIAOUI le 2 Mai 2015 à 14:21
Cours réalisé par Zoubir YAHIAOUI
Une fiche lecture est compte-rendu après la lecture d'un ouvrage. On fait une fiche de lecture pour bien comprendre un livre ou bien pour la préparation d'un mémoire d'étude sur cet ouvrage. Voici les étapes à suivre pour rédiger une fiche de lecture surtout pour l'analyse d'un roman.
1- Présentation du livre ou l'analyse du paratexte:
- Titre : ..................................................................................................
- Auteur : ...............................................................................................
- Éditions : ...............................................................................................
- Collection :.................................................................................................
- Nombre de pages :....................................................................................
- Année de parution : .....................................................................................
- Traduit de quelle langue (si elle est traduite):...............................................
- Couverture : ..................................................................................................
2- La biographie de l'auteur :
- Le sexe : homme ou femme :.............................................................................
- Sa nationalité :......................................................................................................
- Date de naissance et de décès s'il est mort :.........................................................
- Est-ce qu'il a une autre fonction :.............................................................................
- Sa bibliographie :.......................................................................................................
3- Le genre :
- Est-ce que c'est un roman policier, autobiographique, conte, fable ou du fantastique....................................................................................................................
4- Le cadre spatio-temporel du récit :.........................................................................
5- Les personnages :
- les personnages principaux : / (Nom/ âge/ situation familiale/ travail) .........................................................................................................................................
- les personnages secondaires:........................................................................................
- Utiliser le schéma actanciel pour présenter les différents personnages et les relations existant entre eux :............................................................................................................
6- Résumé qui ne dépasse pas les 10 lignes :
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7- Relève de cette histoire un passage que tu aimes et dis pourquoi :
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8- Synthèse et appréciation personnelle : (donne ton opinion à propos de cette histoire). Par exemple un vocabulaire accessible pour le lecteur ou non.
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Exercice : faites une fiche de lecture à la nouvelle suivante en suivant la fiche étudiée.
UNE VENDETTA
La veuve de Paolo Saverini habitait seule avec son fils une petite maison pauvre sur les remparts de Bonifacio. La ville, bâtie sur une avancée de la montagne, suspendue même par places au-dessus de la mer, regarde, par-dessus le détroit hérissé d'écueils, la côte plus basse de la Sardaigne.
A ses pieds, de l'autre côté, la contournant presque entièrement, une coupure de la falaise, qui ressemble à un gigantesque corridor, lui sert de port, amène jusqu'aux premières maisons, après un long circuit entre deux murailles abruptes, les petits bateaux pêcheurs italiens ou sardes, et, chaque quinzaine, le vieux vapeur poussif qui fait le service d'Ajaccio.
Sur la montagne blanche, le tas de maisons pose une tache plus blanche encore. Elles ont l'air de nids d'oiseaux sauvages, accrochées ainsi sur ce roc, dominant ce passage terrible où ne s'aventurent guère les navires.
Le vent, sans repos, fatigue la mer, fatigue la côte nue, rongée par lui, à peine vêtue d'herbe; il s'engouffre dans le détroit, dont il ravage les bords. Les traînées d'écume pâle, accrochées aux pointes noires des innombrables rocs qui percent partout les vagues, ont l'air de lambeaux de toiles flottant et palpitant à la surface de l'eau.
La maison de la veuve Saverini, soudée au bord même de la falaise, ouvrait ses trois fenêtres sur cet horizon sauvage et désolé.
Elle vivait là, seule, avec son fils Antoine et leur chienne "Sémillante", grande bête maigre, aux poils longs et rudes, de la race des gardeurs de troupeaux. Elle servait au jeune homme pour chasser.
Un soir, après une dispute, Antoine Saverini fut tué traîtreusement, d'un coup de couteau par Nicolas Ravolati, qui, la nuit même, gagna la Sardaigne.
Quand la vieille mère reçut le corps de son enfant, que des passants lui rapportèrent, elle ne pleura pas, mais elle demeura longtemps immobile à le regarder; puis, étendant sa main ridée sur le cadavre, elle lui promit la vendetta. Elle ne voulut point qu'on restât avec elle, et elle s'enferma auprès du corps avec la chienne qui hurlait. Elle hurlait, cette bête, d'une façon continue, debout au pied du lit, la tête tendue vers son maître, et la queue serrée entre les pattes. Elle ne bougeait pas plus que la mère, qui, penchée maintenant sur le corps, l'œil fixe, pleurait de grosses larmes muettes en le contemplant.
Le jeune homme, sur le dos, vêtu de sa veste de gros drap trouée et déchirée à la poitrine semblait dormir; mais il avait du sang partout: sur la chemise arrachée pour les premiers soins; sur son gilet, sur sa culotte, sur la face, sur les mains. Des caillots de sang s'étaient figés dans la barbe et dans les cheveux.
La vieille mère se mit à lui parler. Au bruit de cette voix, la chienne se tut.
- Va, va, tu seras vengé, mon petit, mon garçon, mon pauvre enfant. Dors, dors, tu seras vengé, entends-tu? C'est la mère qui le promet!
Et elle tient toujours sa parole, la mère, tu le sais bien.
Et lentement elle se pencha vers lui, collant ses lèvres froides sur les lèvres mortes.
Alors, Sémillante se remit à gémir. Elle poussait une longue plainte monotone, déchirante, horrible.
Elles restèrent là, toutes les deux, la femme et la bête, jusqu'au matin.
Antoine Saverini fut enterré le lendemain, et bientôt on ne parla plus de lui dans Bonifacio.
Il n'avait laissé ni frère ni proches cousins. Aucun homme n'était là pour poursuivre la vendetta. Seule, la mère y pensait, la vieille.
De l'autre côté du détroit, elle voyait du matin au soir un point blanc sur la côte. C'est un petit village sarde, Longosardo, où se réfugient les bandits corses traqués de trop près. Ils peuplent presque seuls ce hameau, en face des côtes de leur patrie, et ils attendent là le moment de revenir, de retourner au maquis. C'est dans ce village, elle le savait, que s'était réfugié Nicolas Ravolati.
Toute seule, tout le long du jour, assise à sa fenêtre, elle regardait là-bas en songeant à la vengeance. Comment ferait-elle sans personne, infirme, si près de la mort? Mais elle avait promis, elle avait juré sur le cadavre. Elle ne pouvait oublier, elle ne pouvait attendre. Que ferait-elle? Elle ne dormait plus la nuit, elle n'avait plus ni repos ni apaisement, elle cherchait, obstinée. La chienne, à ses pieds, sommeillait, et, parfois levant la tête, hurlait au loin. Depuis que son maître n'était plus là, elle hurlait souvent ainsi, comme si elle l'eût appelé, comme si son âme de bête, inconsolable, eût aussi gardé le souvenir que rien n'efface.
Or, une nuit, comme Sémillante se remettait à gémir, la mère, tout à coup, eut une idée, une idée de sauvage vindicatif et féroce. Elle la médita jusqu'au matin; puis, levée dès les approches du jour, elle se rendit à l'église. Elle pria, prosternée sur le pavé, abattue devant Dieu, le suppliant de l'aider, de la soutenir, de donner à son pauvre corps usé la force qu'il lui fallait pour venger le fils.
Puis elle rentra. Elle avait dans sa cour un ancien baril défoncé qui recueillait l'eau des gouttières; elle le renversa, le vida, l'assujettit contre le sol avec des pieux et des pierres; puis elle enchaîna Sémillante à cette niche, et elle rentra.
Elle marchait maintenant, sans repos, dans sa chambre, l'œil fixé toujours sur la côte de Sardaigne. Il était là-bas, l'assassin.
La chienne, tout le jour et toute la nuit, hurla. La vieille, au matin, lui porta de l'eau dans une jatte, mais rien de plus: pas de soupe, pas de pain.
La journée encore s'écoula. Sémillante, exténuée, dormait. Le lendemain, elle avait les yeux luisants, le poil hérissé, et elle tirait éperdument sur sa chaîne.
La vieille ne lui donna encore rien à manger. La bête, devenue furieuse, aboyait d'une voix rauque. La nuit encore se passa.
Alors, au jour levé, la mère Saverini alla chez le voisin, prier qu'on lui donnât deux bottes de paille. Elle prit de vieilles hardes qu'avait portées autrefois son mari, et les bourra de fourrage, pour simuler un corps
Ayant piqué un bâton dans le sol, devant la niche de Sémillante, elle noua dessus ce mannequin, qui semblait ainsi se tenir debout. Puis elle figura la tête au moyen d'un paquet de vieux linge.
La chienne, surprise, regardait cet homme de paille, et se taisait, bien que dévorée de faim.
Alors la vieille alla acheter chez le charcutier un long morceau de boudin noir. Rentrée chez elle, elle alluma un feu de bois dans sa cour, auprès de la niche, et fit griller son boudin. Sémillante, affolée, bondissait, écumait, les yeux fixés sur le gril, dont le fumet lui entrait au ventre.
Puis la mère fit de cette bouillie fumante une cravate à l'homme de paille. Elle la lui ficela longtemps autour du cou, comme pour la lui entrer dedans. Quand ce fut fini, elle déchaîna la chienne.
D'un saut formidable, la bête atteignit la gorge du mannequin, et, les pattes sur les épaules, se mit à la déchirer. Elle retombait, un morceau de sa proie à la gueule, puis s'élançait de nouveau, enfonçait ses crocs dans les cordes, arrachait quelques parcelles de nourriture, retombait encore, et rebondissait, acharnée. Elle enlevait le visage par grands coups de dents, mettait en lambeaux le col entier.
La vieille, immobile et muette, regardait, l'œil allumé. Puis elle renchaîna sa bête, la fit encore jeûner deux jours, et recommença cet étrange exercice.
Pendant trois mois, elle l'habitua à cette sorte de lutte, à ce repas conquis à coups de crocs. Elle ne l'enchaînait plus maintenant, mais elle la lançait d'un geste sur le mannequin.
Elle lui avait appris à le déchirer, à le dévorer, sans même qu'aucune nourriture fût cachée en sa gorge. Elle lui donnait ensuite, comme récompense le boudin grillé pour elle.
Dès qu'elle apercevait l'homme, Sémillante frémissait, puis tournait les yeux vers sa maîtresse, qui lui criait: "Va!" d'une voix sifflante, en levant le doigt.
Quand elle jugea le temps venu, la mère Saverini alla se confesser et communia un dimanche matin, avec une ferveur extatique; puis, ayant revêtu des habits de mâles, semblable à un vieux pauvre déguenillé, elle fit marché avec un pêcheur sarde, qui la conduisit, accompagnée de sa chienne, de l'autre côté du détroit.
Elle avait, dans un sac de toile, un grand morceau de boudin. Sémillante jeûnait depuis deux jours. La vieille femme, à tout moment, lui faisait sentir la nourriture odorante, et l'excitait.
Elles entrèrent dans Longosardo. La Corse allait en boitillant Elle se présenta chez un boulanger et demanda la demeure de Nicolas Ravolati. Il avait repris son ancien métier, celui de menuisier. Il travaillait seul au fond de sa boutique.
La vieille poussa la porte et l'appela:
- Hé! Nicolas!
Il se tourna; alors, lâchant sa chienne, elle cria:
- Va, va, dévore, dévore!
L'animal, affolé, s'élança, saisit la gorge. L'homme étendit les bras, l'étreignit, roula par terre. Pendant quelques secondes, il se tordit, battant le sol de ses pieds; puis il demeura immobile, pendant que Sémillante lui fouillait le cou, qu'elle arrachait par lambeaux.
Deux voisins, assis sur leur porte, se rappelèrent parfaitement avoir vu sortir un vieux pauvre avec un chien noir efflanqué qui mangeait tout en marchant, quelque chose de brun que lui donnait son maître.
La vieille, le soir, était rentrée chez elle. Elle dormit bien, cette nuit-là.
Guy de Maupassant : Une vendetta.
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